face à tant de science et de certitudes, laissons place aux réflexions universitaires : (colloque de l'université Bordeaux III)
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1. Problèmes de définition (MDG)
Le terme écrivain , dûment employé, a donné lieu à des définitions très différentes sous la plume d’auteurs pourtant de la même période. Ainsi, pour la France des années 1950, il pourrait être intéressant de confronter les réflexions menées sur le métier et la vocation de l’écrivain par Maurice Blanchot, Albert Camus et Jean-Paul Sartre, l’un privilégiant les relations de tout écrivain avec son œuvre, l’autre avec la société, l’autre encore avec l’écriture comme « projet ». Dans L’espace littéraire (Paris : Gallimard, 1955), Blanchot définit ainsi les rapports entre l’écrivain et son œuvre , perçue comme toujours inachevée : « celui qui écrit l’œuvre est mis à part, celui qui l’a écrite est congédié » (p. 11). Et de commenter encore : « L’écrivain ne sait jamais si l’œuvre est faite. Ce qu’il a terminé en un livre, il le recommence ou le détruit en un autre » (Ibid). Se réclamant de Paul Valéry, il fait de l’inachèvement un trait spécifique de l’œuvre littéraire, par opposition à la « fin » qu’imposent à l’écrivain les contraintes éditoriales : « À certain moment, les circonstances, c’est-à-dire l’histoire, sous la figure d’un éditeur, des exigences financières, des tâches sociales, prononcent cette fin qui manque, et l’artiste, devenu libre par un dénouement de pure contrainte, poursuit ailleurs l’inachevé »(p. 12). Tout aussi artiste est l’écrivain, selon Camus, mais la difficulté de ce qu’il appelle tantôt « art », tantôt « métier », tantôt « vocation » se situe dans sa justification par rapport au reste du monde, de la communauté humaine. Dans son Discours de Suède, du 10 décembre 1957, à l’occasion de sa réception du prix Nobel, il déclare : « Le rôle de l’écrivain […] ne se sépare pas de devoirs difficiles » , tel celui de faire retentir « le silence d’un prisonnier inconnu », « par les moyens de l’art ». Dans toutes les circonstances, selon Camus, « l’écrivain peut retrouver un sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il le peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté ». Sans employer le syntagme d’ « écrivain engagé » ou de « littérature engagée », il n’en emploie pas moins le terme engagement en le précisant ainsi : « Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression » (Essais, Pléiade, p. 1072). Dans Baudelaire (1947), dans Saint Genet (1952à, et surtout dans L’idiot de la famille (1971), Jean-Paul Sartre a longuement analysé le phénomène bâtard qu’est pour lui l’écrivain. Ce qui, selon lui , définit d’abord l’écrivain ce sont les rapports, les mauvais rapports qu’il entretient avec les mots. Flaubert, (L’idiot de la famille) croit aux mots parce que ceux-ci le dominent , par famille interposée. Sartre en conclut que Flaubert sera incapable de se servir correctement du langage. Les mots lui viennent du dehors et s’imposent à lui. Des mots («Tu es un voleur ») dictent son destin à Jean Genet. Écrivain est dès lors celui qui accepte (ou est contraint d’accepter) d’être incapable de communiquer avec autrui , sauf avec les mots. Lui-même, Sartre raconte, dans Les mots (1964), comment dans son enfance il a été touché par la confusion entre les mots et les choses qui était le fait de son entourage. On a souvent dit que l’écrivain avait un « besoin » d’écrire. Cela peut s’expliquer dans le sens sartrien : l’écrivain n’a d’autre ressource que de communiquer avec les mots, puisque tout autre communication, si nécessaire à l’homme , lui est impossible, interdite. Aussi, et eu égard au principe existentialiste selon lequel l’homme se définit par son « projet », est-ce son écriture qui définit l’écrivain.
Marcel De Grève
Rijksuniversiteit Gent
2. Commentaire historique (RE)
Le mot d’écrivain a des origines plus artisanales qu’artistiques. L’écrivain, originellement, désigne celui qui fait profession de manier l’écriture sans considération pour la nature du texte produit. C’est le sens qu’il conserve encore dans l’expression « écrivain public ».
Cette remarque, d’ailleurs, nous oriente d’emblée vers une connotation du terme d’écrivain. L’écrivain public, en effet, ne se contente pas de traduire en signes écrits ce qu’on lui dicte : il donne une forme au propos et, au-delà de la forme, en détermine le contenu dans le langage de l’écriture.
Cela explique l’ambiguïté que comporte toujours la qualification d’écrivain, face en particulier, à celle, concurrente, d’auteur. Sartre, dans Qu’est-ce que la littérature ?, parle systématiquement d’écrivains et non d’auteurs dans la mesure où il désire désacraliser la fonction. Barthes, au contraire, valorise la notion d’écrivain (l’artiste) par rapport à celle d’auteur (le praticien).
Ces distinctions sont assez arbitraires. Dans la comedia espagnole, celui que nous appellerions l’auteur, c’est-à -dire celui qui avait écrit le texte, était qualifié de poeta alors que le titre d’autor (créateur) était réservé au metteur en scène. En fait, depuis le XVIIIé siècle, la notion d’écrivain s’est progressivement liée à un certain statut social. On parle de moins en moins d’ « homme de lettres » qui était un statut économique. L’homme de lettres était celui qui gagnait sa vie en écrivant. La notion d’écrivain est plus large. Peu d’écrivains, de nos jours , gagnent exclusivement leur vie avec leur plume, mais tous ceux qui écrivent habituellement des livres ne sont pas reconnus comme écrivains. À vrai dire, les critères sont assez flous et s’échelonnent d’une notion socio–économique à une notion quasi sacralisante.
Quand, dans certains pays, on parle d’une Union des écrivains, il est bien évident qu’il s’agit d’une union professionnelle ayant pour objet d’assurer à ceux qui écrivent – et quoi qu’ils écrivent – un certain statut. Il peut évidemment se mêler des jugements de valeur et se créer une hiérarchie littéraire à l’intérieur de cette union, mais il s’agit de garantir à l’acte d’écrire un certain nombre de droits. En France, les écrivains se réunissent en une Société qui a gardé le terme de « gens de lettres » dont la fonction principale est la perception des droits d’auteur et la protection sociale de ceux qui sont reconnus par la société comme des écrivains.
A l’autre extrême, la qualification d’écrivain est valorisante au point d’être considérée comme incompatible avec une existence d’homme ordinaire. Beaucoup d’écrivains se sont amusés, quand ils ont visité des classes d’écoles primaires, de l’étonnement des enfants à voir un écrivain « en chair et en os », persuadés qu’ils étaient qu’on ne les trouvait que dans les livres et comme disait l’un d’entre eux « qu’ils étaient tous morts ».
D’une manière générale la qualité d’écrivain peut se définir de deux façons : professionnellement ou historiquement. Il ne suffit pas d’écrire un livre pour être nécessairement un écrivain, encore que certains aient atteint la qualification d’écrivain avec un seul livre publié. Mais que ce livre portait en lui assez de richesse pour être considéré comme une œuvre. Car c’est là la caractéristique de l’écrivain : il est l’homme d’œuvre et cette œuvre peut s’étaler tout au long d’une vie sous la forme de parfois plusieurs dizaines de livres. Ces livres peuvent être répétitifs et reproduire indéfiniment les caractéristiques d’un modèle initial ou, au contraire, présenter une grande variété de genres, de styles, d’inspirations. Mais dans tous les cas, on peut noter, au fil des volumes, les marques d’un apprentissage professionnel, informel, certes, mais qui marquent des progrès dans l’art de l’expression écrite.
De ce fait tout écrivain a une carrière qui peut être brève ou très longue. Cette carrière est très largement déterminée et encadrée par des instances institutionnelles. L’acceptation du premier manuscrit par un éditeur peut être considérée comme un examen d’entrée. Viennent ensuite des consécrations officielles successives : le succès auprès de la critique, le best – seller, les prix littéraires, voir l’accession à telle ou telle académie. Selon les systèmes politico – économiques, l’argent ou le pouvoir contrôle le déroulement de cette carrière. Robert Escarpit †
Université de Bordeaux III
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bon, de mon point de vue, cela ne fait guère avancer VOTRE schmilblik, ce qui ne mempêchera pas de poursuivre mon chemin d'écrivain, de plus en plus loin des forums et autres listes (eh oui, l'écriture est exigeante en temps, et les serpents de mer comme celui-ci en font perdre beaucoup... avis aux écrivains en herbe
Claire, déjà repartie.