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Le happy end fait-il encore des émules ?
Publié : 25 Juil 2008, 14:11
par Curwen
Allez, il est temps que je lance une nouvelle discussion pour l'été. Celle-la si elle tourne au pugilat, je veux bien manger mon chapeau.
Je m'interrogeais sur les fins efficaces dans les récits dernièrement. Et il m'est apparu que j'avais un sérieux a priori sur le happy end. Alors j'ai commencé à me demander pourquoi.
La première raison semble être que c'est en quelque sorte la fin par défaut. Quand une histoire doit se terminer et qu'on n'a pas de grande idée dramatique pour la fin, eh bien le héros réussit à vaincre tous les obstacles et il vit sa vie dans la félicité et l'amour. Ayant vu ça des centaines de fois, le jeune auteur ambitieux préfère trouver une fin bien à lui, douce-amère quand elle n'est pas carrément tragique.
Pourtant, j'en viens à me dire que les fins tragiques avec le héros qui meure, avec le méchant qui était en fait une malheureuse victime, avec un amour impossible, tout ça est finalement tout aussi cliché qu'un happy end.
Pourtant, ça donne encore une respectabilité en tant qu'auteur audacieux le fait de tuer son héros. Ca fait bien. Une façon de dire
"Ceci n'est pas un Walt Disney !".
Bref, pour résumer : est-ce que vous pensez qu'un bon happy end assumé peut fonctionner aussi bien qu'une fin plus sombre ?
Re: Le happy end fait-il encore des émules ?
Publié : 25 Juil 2008, 14:49
par Saxon
Curwen a écrit :
Bref, pour résumer : est-ce que vous pensez qu'un bon happy end assumé peut fonctionner aussi bien qu'une fin plus sombre ?
Pour un roman, toute fin peut être bonne, du moment qu'on ne sort pas un
deus ex machina pour y arriver.
Cela dit, pour une nouvelle (en tout cas pour une histoire à chute) un happy end est souvent la moins bonne possibilité. Il y a moins de chance d'avoir une fin percutante si l'histoire termine sur une note positive, et puis il y a une certaine clientèle, friande de malheur, parmi les lecteurs.
D'un point de vue personnel, j'aime bien laisser mes personnages dans la mouise. Ils se font embarquer par les flics, hospitaliser, damner, mourir d'intoxication, dévorer par des inspecteurs d'impôt. J'ai aussi des fins neutres, genre mise en abîmes ou histoires sans fin, qui me plaisent bien mais dont il ne faut pas abuser.
Je crois que je n'ai que vrais 3 ou 4 happy ends dans mes 40 nouvelles et je m'arrange pour que ce soit incongru.
@+
sXn
Publié : 25 Juil 2008, 15:54
par GabrielleTrompeLaMort
Peu m'importe quel est le ton de la fin d'un roman (que je lis ou que j'écris) tant que celle-ci est logique.
Après, par goût, je préfère les happy end. Parce que sinon j'ai envie de réécrire l'histoire si les personnages que j'aime bien sont touchés par le malheur, et définitivement, puisque le roman est fini... ^^;;
Publié : 25 Juil 2008, 18:23
par Napalm Dave
Le piège inverse du happy end sirupeux à la Disney, c'est le syndrome de la punition de personnage: comme le dit Saxon, c'est la fin qui tombe à plat que ce soit par un deus ex machina ou une fin tragique pas justifiée.
Perso, je préfère, les histoires où le héros vainc finalement mais où tout ce qui s'est passé n'est pas sans conséquences sur le monde environnant: ainsi, dans la fin que j'ai prévue pour mon projet principal, les neuf démons sortent du monde médiéval fantastique dont ils étaient prisonniers pour ravager le nôtre. Ils sont finalement vaincus mais désormais, les humains ignorants du surnaturel devront vivre avec le cataclysme dont ils ont été témoins. En clair, je projette plus les conséquendces de mes fins sur mes mondes que sur mes héros, qui, après tout, ne sont que des acteurs.
Publié : 25 Juil 2008, 23:28
par Roanne
Réponse brève : oui.
Le preuve, ça se vend très bien.
Et personnellement, j'aime bien de temps en temps finir un livre avec le sourire aux lèvres.
Publié : 26 Juil 2008, 09:04
par Beorn
Une fin triste peut avoir une grande force émotionnelle (la mort d'un personnage, le fait que pitchounette et pitchounet soient séparés comme [SPOILER] dans l'Assassin Royal) elle peut permettre de donner de la force à la réflexion (finalement, le complot des méchants fonctionne parce que les gens sont trop bêtes pour se révolter, parce que les puissants gagnent toujours etc... comme dans 1984).
Au contraire, une fin heureuse sera tout de suite suspecte de Walt Disnerisme. On va se méfier parce que la vie c'est souvent moche, donc si tout va trop bien dans le meilleur des mondes, on a du mal à y croire.
Bon, mais une fin triste peut très bien se planter aussi. Faire que le lecteur se dise à la fin "je me suis fait avoir", qu'il se sente trahi après avoir adopté et aimé nos personnages, de les voir échouer ou mourir (j'ai une bêta comme ça, qui refuse de lire mes romans depuis un certain personnage assassiné).
En fait, je trouve qu'une fin triste, c'est un peu la solution de facilité : elle est facilement plus forte et elle permet d'éviter de se faire taxer de guimauverie.
Réussir une fin heureuse, c'est plus difficile et plus ambitieux.
Et puis, si le roman est un tant soit peu complexe, il doit comporter plusieurs grandes ou petites questions à résoudre (intrigues principales, secondaires, questions subsidiaires). Il peut y avoir des happy réponses et d'autres non. Si toutes les réponses sont heureuses, il y a fort à parier que ça paraîtra louche.
Donc, une happy end, pourquoi pas (en fait, faut que j'avoue : moi j'aime bien, souvent), c'est difficile à réussir et il vaut mieux la nuancer, mais ça ne me paraît pas fatalement démodé.
Publié : 26 Juil 2008, 10:00
par Roanne
Le problème c'est que tout le monde associe happy end à fin guimauvesque.
Alors que pour moi, fin guimauvesque = happy end râtée.
Une fin "heureuse" peut avoir sa dose de mélancolie, d'amertume ou je ne sais quoi d'autre qui la rend réaliste.
Les fins cataclysmiques ne sont pas forcément plus réalistes / meilleures.
Après il y a les fins douces-amères, peut-être les plus délicates à aborder.
Publié : 26 Juil 2008, 11:57
par paladin
Roanne a écrit :Le problème c'est que tout le monde associe happy end à fin guimauvesque.
Alors que pour moi, fin guimauvesque = happy end râtée.
Une fin "heureuse" peut avoir sa dose de mélancolie, d'amertume ou je ne sais quoi d'autre qui la rend réaliste.
Les fins cataclysmiques ne sont pas forcément plus réalistes / meilleures.
Après il y a les fins douces-amères, peut-être les plus délicates à aborder.
En effet!
La fin du "Seigneur des anneaux" est elle un happy end?
L'anneau à été détruit, Sauron repoussé, et pourtant rien ne sera jamais comme avant. Pourtant elle ne manque même pas de mariages: Aragorn et Arwen, Sam et Rosie...En même temps un age se termine, les elfes partent pour Tol Eressëa et Frodon, pour avoir longtemps porté l'anneau, avoir été bléssé par le Roi-Sorcier et toutes les horreurs et souffrances de sa quête, ne peut plus revivre dans la comté et part avec eux, ainsi que Bilbon, Gandalf, Elrond et Galadriel...Le temps de hommes n'est plus trés loin.
Une fin n'est pas forcement le retour à la situation du début de l'histoire, il marque une nouvelle situation avec des éléments optimistes et pessimistes...
Prenons aussi un exemple historique: la fin de la seconde guerre mondiale: Le nazisme à été écrasé, la paix est revenue, les camps libérés...Et pourtant, il y a des millions de morts, on découvre l'horreur de la Shoah, l'Europe est en ruine, le monde connait désormais un nouvel ordre, divisé entre deux blocs désormais tout puissant, avec la perspective d'une nouvelle guerre et la menace nucléaire dont on vient de voir la démonstration épouvantable à Hiroshima et Nagasaki!
Publié : 26 Juil 2008, 11:59
par pingu
Roanne a écrit :Une fin "heureuse" peut avoir sa dose de mélancolie, d'amertume ou je ne sais quoi d'autre qui la rend réaliste.
Comme dans Rox et Rouky.
Cataclysmique comme aurait pu la fin d'une telle histoire, ç'aurait été moins bien.
Je ne suis pas sûre qu'une happy end totale (les morts ne sont plus morts, pas de regrets, pas de mélancolie, le présent et radieux, le futur le sera toujours, et pour tous) soit, en plus d'être faisable, vraiment satisfaisante pour le lecteur. Je pense que ça étouffe les enjeux, en plus de lui apparaître peu crédible.
Publié : 26 Juil 2008, 12:01
par Orion
Je suis pas trop preneur de "happy-end" complète à 100%, ni de fin tragique à 100%... Dans un cas comme dans l'autre, en plus de finir sur une assez mauvaise impression, je sens que l'auteur n'a pas vraiment su comment se débrouiller avec tous les fils qu'il avait en main
Après, je suis globalement d'accord avec ce qui a été dit ci-dessus : le bonheur ou le tragique de la fin peut (et peut-être même doit) être nuancé pour que le lecteur se mette à réfléchir sur cet excipit.
Et le meilleur à mon goût, c'est bien la fin douce-amère en demi-teinte

Publié : 26 Juil 2008, 14:24
par Cibylline
Finalement, tout a été dit : les fins, ce n'est pas seulement un moment où tout est blanc ou noir, c'est un univers de nuances et de logique. Chaque fin doit être écrite en fonction de l'histoire, de ce que l'on voulait dire, etc.
Perso, je ne considère pas les fins de mes nouvelles comme des fins heureuses ou tristes. C'est juste la marque que c'est à ce moment-là qu'on a choisi de terminer notre narration. Les personnages continuent à vivre, eux, mais le lecteur ne le voit plus...
Publié : 26 Juil 2008, 16:03
par Curwen
A vrai dire, ma question se rapporte nettement plus aux romans qu'aux nouvelles, pour la bonne raison que les nouvelles (particulièrement les plus courtes) permette rarement au lecteur de s'attacher profondément aux protagonistes. Arrivé à la fin d'un roman, on a passé plusieurs centaines de pages à lire le parcours des personnages et on a eu le temps de former des attentes vis à vis de ce qui va leur arriver.
Dans un cycle, c'est plus marqué que jamais. L'attente entre chaque tome entretient la discussion et chacun y va de sa petite idée sur comment la série "devrait" finir.
Je me souviens d'avoir lu des commentaires de gens sur Harry Potter avant la sortie du tome 7 qui disaient que si Harry ne mourrait pas à la fin, la série n'aurait pas le moindre sens ! Ce genre de remarque m'interloque un peu, je dois dire.
En fait, je ne pense pas qu'il y ait énormément de livres pour lesquels il n'y a qu'une seule fin possible. Ca existe probablement, mais une seule fin possible ça signifie souvent un dénouement trop prévisible.
Dans presque toutes les oeuvres, on peut avoir plusieurs manière de conclure le récit, toutes valables. Après, c'est surtout une question de goût de la part de l'auteur. Est-ce qu'il pense qu'il faut aller jusqu'à tuer son héros pour faire passer un message ou peut-on simplement le laisser vivre en paix ?
Publié : 26 Juil 2008, 16:08
par Beorn
Plusieurs fins possibles ?
Peut-être, il paraît qu'à Hollywood, on en fait plusieurs et qu'on les montre à un panel type de spectateurs.
Pour moi, ça ne marche pas comme ça : je ne commence jamais une histoire sans connaître la fin (mettons, la fin de la question "principale") et c'est en fonction d'elle, surtout, que j'écris le reste. Ce serait impossible de changer la fin : le récit n'aurait plus de sens.
1984 avec une fin heureuse, par exemple, ce serait idiot, sauf à réécrire un autre roman.
Bon, cela dit, ça peut marcher pour d'autres.
Publié : 26 Juil 2008, 18:58
par Curwen
Ah ben c'est sûr que si ta méthode à toi c'est de commencer par la fin, je comprends bien que ce soit être assez difficile d'en concevoir une autre au bout du compte.
Mais bon, après tout, il arrive qu'on modifie en cours de route même l'idée initiale du livre. Ca s'est déjà vu.
Je ne suis pas familier de "1984" de Orwell, alors j'aurais bien du mal à te trouver une fin alternative digne d'intéret, mais on peut jouer à ce jeu avec un certain nombre d'oeuvres.
Pour le Seigneur des anneaux par exemple, on est tous habitués à la scène du départ à Valinor comme dernier chapitre et ça fonctionne très bien. Mais je me suis souvent dit que Tolkien aurait pu terminer bien plus tôt le récit officiel (il y aurait toujours les appendices pour savoir ce que devient chacun des persos) en se contentant de laisser Frodon et Sam mourir à la fin du chapitre de la montagne du destin.
"Je suis heureux que tu sois ici avec moi. Ici, à la fin de toute chose, Sam".
Ces derniers mots nous auraient laissé sur un parfum d'apocalypse, et sur cette même idée que la Terre du milieu a changé pour de bon. Nos héros n'y ont plus leur place à tel point qu'ils meurent dans ce dernier changement. Ca n'aurait pas été si mal.
Alors bien sûr, on me dira que c'est une hérésie parce qu'on est habitués à avoir des chapitres et des chapitres à lire après ça pour goûter la mélancolie et le désenchantement du récit, mais je suis pas sûr que ça nous aurait manqué si on ne l'avait jamais connu...
Bon ensuite, je ne prétends pas tout de même qu'on peut changer une fin triste en fin heureuse comme ça. Mais en tout cas, je crois qu'il y a souvent beaucoup de façon de terminer un livre tout en gardant les thèmes à peu près intacts.
Publié : 26 Juil 2008, 19:06
par Silex
Beorn a écrit :je ne commence jamais une histoire sans connaître la fin (mettons, la fin de la question "principale") et c'est en fonction d'elle, surtout, que j'écris le reste.
idem. Pour ce qui est des Happy End, ça ne me fait pas du tout peur, à condition que ce soit fait à la manière décrite par Paladin. La fin du SdA

!
Publié : 26 Juil 2008, 19:49
par Cibylline
J'ai parlé de nouvelles, parce que je n'écris pas de romans, mais je pense que, si j'écrivais un roman, j'appliquerais la même méthode : ça se termine à un moment donné, sans pour autant que la vie des persos s'arrête.
(Et on peut s'attacher à des persos de nouvelles...)
Un peu comme la fin de la série Buffy : y'a une victoire, des morts... et, surtout, la vie continue.
En plus, ça permet de faire des suites donc, commercialement, c'est très satisfaisant
Pour moi, le mot "fin" n'existe pas...
Publié : 26 Juil 2008, 21:14
par Roanne
Cibylline a écrit :J'ai parlé de nouvelles, parce que je n'écris pas de romans, mais je pense que, si j'écrivais un roman, j'appliquerais la même méthode : ça se termine à un moment donné, sans pour autant que la vie des persos s'arrête.
(Et on peut s'attacher à des persos de nouvelles...)
Un peu comme la fin de la série Buffy : y'a une victoire, des morts... et, surtout, la vie continue.
En plus, ça permet de faire des suites donc, commercialement, c'est très satisfaisant
Pour moi, le mot "fin" n'existe pas...
Je n'aurais pas su dire mieux, j'approuve à 200%
Publié : 26 Juil 2008, 22:28
par Beorn
Cibylline a écrit :(...) ça se termine à un moment donné, sans pour autant que la vie des persos s'arrête.
(...)
Un peu comme la fin de la série Buffy : y'a une victoire, des morts... et, surtout, la vie continue.
En plus, ça permet de faire des suites donc, commercialement, c'est très satisfaisant
Pour moi, le mot "fin" n'existe pas...
Ah si, pour moi, il existe. La fin des personnages, peut-être pas, mais la fin du roman, oui. La fin de l'histoire, de l'intrigue, de ce qu'on a à raconter sur le sujet.
L'univers qu'on a inventé continuera d'exister dans la tête du lecteur, peut-être, et on pourra imaginer ce qu'on voudra de la suite. Mais l'auteur, lui, doit mettre un point final et il doit bien choisir le moment. Cela fait partie de son travail.
Publié : 27 Juil 2008, 10:05
par Roanne
L'un n'empêche pas l'autre Beorn. L'auteur choisi à quel moment il interrompt son histoire, mais du fait qu'elle continue virtuellement / potentiellement dans son esprit et dans celui des lecteurs, la fin ne reste toujours qu'un début.
Publié : 27 Juil 2008, 10:09
par pingu
Roanne a écrit : la fin ne reste toujours qu'un début.
Oui, mais d'une autre histoire.