Oups... Un gros gâchis

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Uylenspiegel
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Oups... Un gros gâchis

Messagepar Uylenspiegel » 07 Avr 2008, 22:28

Chante, déesse, la colère d'Uylenspiegel, le fils de son père, la colère fatale qui de maux infinis accabla les Calaisiens, et précipita dans l'Hadès tant de fortes âmes de héros, livrés eux-mêmes en pâture aux chiens et à tous les oiseaux carnassiers !

Bon. Ce pompeux et néanmoins homérique préambule donne je crois un aperçu du courroux qui est le mien ce soir.

Puisse ma main ne pas trembler alors que je m'apprête à ressusciter le passé ! (Même s'il n'est vieux que de quelques minutes.)
Ayant fraîchement scellé avec mon inscription à ce forum une sorte de retour dans le monde merveilleux des écrivants, je me suis dis pas plus tard que tout à l'heure : "Mon bon Uylenspiegel, pourquoi n'exhumerais-tu pas quelques-uns de tes anciens travaux des tréfonds de tes archives afin de les relire, joignant l'agréable - verser une petite larmichette de nostalgie, à l'utile - analyser l'évolution de mon niveau d'écriture, et qui sait, repêcher quelques idées pour un projet futur et ambitieux."

Et le naïf, l'insouciant, le candide Uylenspiegel de farfouiller avec forces double-clics dans l'arborescence de son disque C: (...je sens que vous soupçonnez déjà quel drame tragique va se jouer sous vos yeux écarquillés, si, si).
"Tiens ?" me dis-je, un peu étonné. "Où est donc ce dossier que j'avais si judicieusement intitulé 'anciens textes' afin d'y conserver précieusement le contenu du même nom ?
- Pas de souci !" me rassurais-je aussitôt avec un petit rire, me moquant de ce moment d'inquiètude bien caractéristique de mon naturel stressé, sacré moi. "Ils sont restés sur l'ancien PC, je n'avais jamais fait le transfert. Suis-je tout de même ballot de ne pas y avoir pensé tout de suite."

Ni une, ni deux, (et je sais que, ayant définitivement deviné la nature épouvantable des évènements que je suis en train de vous narrer, vous tremblez de lire la suite comme je tremble de l'écrire en ce moment, au temps pour ce que je disais plus haut), après avoir fait un petit tour aux water-closed et un autre dans le jardin afin de m'adonner au vice de Nicot, car après tout on est pas aux pièces, je gravissais, une canette de 'bière de pays' de marque indéterminée à la main, le familier escalier de bois dont la montée devait en fait s'avérer une descente aux enfers. (Pas mal, le paradoxe, hein ? Mais attendez la suite, voici venir les métaphores finement pensées et chamboulantes de lyrisme.)

Le crépuscule était tombé comme un instant plus tôt était tombé le fruit de mes flancs alourdis dans l'écrin de porcelaine aux ondes bleutées : avec lenteur, un peu de difficulté, et amenant une douce quiétude et le sentiment d'une paix retrouvée.
Je m'installais devant le vieux et fidèle PC qui avait en son temps reçu tant de kilo-octets de pur génie créatif. Le gosier quelque peu asséché par tant d'efforts accomplis, j'ouvrais ma bière comme on ouvre la porte à un vieil ami dont on s'est langui trop longtemps.
Le coeur bien au chaud, les yeux dans la bière, penché sur le réceptacle de mon talent ; avec l'ami Jojo et avec l'ami Pierre - Non, j'étais seul, ils n'ont rien à foutre là ces deux là -, je lançais une recherche comme Aurore aux doigts de rose et à la chevelure d'or qui tombe en cascade sur ses épaules de nacre, lance ses javelots d'airain sur le vaste monde qui dort d'un sommeil de plomb.

Et là, patatrac. Le malaise. Il y avait une couille dans le potage, et une grosse. Pas plus de dossier "anciens textes" que de ratiches dans la bouche à grand-papy. La faute à un ancien formatage qui m'était un peu sorti de la mémoire. Vous imaginez sa tronche, au zigue Uylenspiegel. Vert, que j'étais. Je commençais à soupçonner qu'il allait y avoir du désagrément. Mais j'avais quand même plus d'une corde à mon arc : le gros de la littérature, là, je l'avais mis en son temps au chaud dans quelques comptes éparpillés un peu partout. Comptes forums s'entend. Alors de toquer à toutes les lourdes : tous les troquets que j'ai eu fréquenté à la grande époque, j'y suis allé rendre une petite visite. Seulement depuis, y avait comme qui dirait eu du ménage. Ils avaient vidé les greniers, et même les caves. En parlant de cave, j'en faisais un beau, du coup. Envolé, le grisbi, et à tire-d'ailes encore. Gros-Jean comme devant, oui Madame.

Bon, pour en finir avec cette histoire, comme vous l'avez tous compris depuis belle lurette : je me suis rendu compte ce soir que des centaines d'heures d'écriture ont disparu à jamais sans espoir de retour. Des poèmes, oh, pas du Baudelaire, mais des trucs dont j'étais quand même assez fier, et qui étaient réglés comme une horloge question rimes, nombre de pieds, hémistiches et tutti quanti. Des dizaines et des dizaines de petits -et moins petits- textes fantasy, dont pour la plupart je ne pouvais pas tirer grand chose en soi puisqu'imbriqués dans des récits collectifs de roleplaying/forum, mais que ça m'aurait fait grand plaisir de relire, je vous le dis. Et pour lesquels j'avais été assez complimenté en mon temps au sein des communautés où je postais ça. Donc ça fait tout drôle, et même si rien de tout ça n'était constitutif d'un grand projet (c'est sûr, c'est pas comme si c'était des chapitres d'un grand roman), ça fait un petit pincement. J'y avais mis du temps et du coeur. Pour quelques extraits bien sélectionnés, j'aurais même été fier de pouvoir les montrer à qui s'y serait intéressé. Ben on dirait que ça ne sera pas possible. Mais bon, comme vous l'avez vu à l'humour que j'ai tenté de distiller dans cette chronique, je n'en fais pas un drame non plus. Même si je n'ai plus tout ça sous la main, ça m'a fait une expérience et ça m'a confirmé dans l'idée que j'adorais écrire, et ça ça restera.

Et puis, j'ai là sur le bureau une magnifique boule à neige pour me distraire et oublier mes soucis...

Rosebud !
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Messagepar Luxy » 07 Avr 2008, 22:34

En tous cas, tu nous as raconté cette horrible chose de bien belle façon.
*Tape amicale sur l'épaule*

Chwip
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Messagepar Chwip » 07 Avr 2008, 22:41

Je chante faux, désolée. En revanche, pour les dents de ton grand-père, je peux peut-être faire quelque chose.

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Florent_M
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Messagepar Florent_M » 07 Avr 2008, 22:57

Je comprend. Il m'était arrivé la même chose quand mon ordinateur m'avait tout à coup dis : "Fatal Error on Hard Disk Drive. Please Format". Je n'ai, depuis, récupéré que 40% des textes, le reste étant perdu à jamais.

Des textes de collégien, pas bien intéressant. mais sur le principe, ça fait ch***.
Si tu étais une larme,
Jamais je ne pleurerai,
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Messagepar Xss » 08 Avr 2008, 08:25

Pendant un moment je pensais que l'horreur en question que tu racontais allait être semblable à celle d'Oliv (et à la notre) quand il trouva et posta sur le forum ce texte d'héroic fantasy qu'il avait écrit à 16 ans...
Et bien non, en fait ce qui t'es arrivé et bien plus emmerdant. :|
Comme Luxy, le récit de ta mésaventure était vraiment sympathique en tout cas.

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le_navire
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Messagepar le_navire » 08 Avr 2008, 10:05

Mes chéris, depuis le temps qu'on vous explique que l'ordi n'est pas un support fiable, qu'il faut sauvegarder sur disques (et le refaire au moins deux fois par an - les données s'effacent avec le temps) qu'avoir un disque externe est indispensable également (c'est vraiment pas hors de prix maintenant) et que pour vos textes, une fois terminés, il est aussi malin de faire un tirage papier...

Dites, vous êtes têtus, hein ?

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Messagepar Ookdelph » 08 Avr 2008, 10:50

Pour mon travail en cours, je fais confiance à Google. Si, si : je m'envoie de temps en temps une archive avec mes documents de travail. Les données de Google sont autrement mieux protégées de la perte que les miennes ^^ (surtout avec ce È∂µ뜡ê de portable qui n'a pas plus de deux minutes d'autonomie, et encore, je suis gentille.)

Condoléances pour ta perte, Till, ça fait de la peine, quand même. (dit celle qui a quelque part un stocke de disquettes dont elle n'est pas sûre de regretter l'inexorable effacement graduel)
Dernière édition par Ookdelph le 08 Avr 2008, 10:53, édité 1 fois.

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Messagepar Oliv » 08 Avr 2008, 10:50

Version courte pour ceux qui se sentiraient pris de panique devant chaque post de Uylenspiegel: "Je suis un gros boulet qui n'a jamais sauvegardé aucun de mes écrits ailleurs que sur mon disque dur, et là je viens de me rendre compte que j'ai tout perdu. Quel bon à rien je fais! Heureusement, comme tous les écrits de jeunesse, c'était de la grosse daube, donc ce n'est pas si grave que ça."

Voilà, voilà.

Xss a écrit :Pendant un moment je pensais que l'horreur en question que tu racontais allait être semblable à celle d'Oliv (et à la notre) quand il trouva et posta sur le forum ce texte d'héroic fantasy qu'il avait écrit à 16 ans...

Médisance! Je n'avais pas 16 ans quand j'ai écrit cette horreur, mais 13. Mais dans tous les cas, c'est vrai que c'était particulièrement monstrueux - comme une histoire d'Elfes écrite par un gamin de 13 ans, quoi.
À l'Affreux Oliv (Mars 2005-Février 2010), la Patrie pas reconnaissante.

Si vous me cherchez, je ne suis plus ici.

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Messagepar Lyssandre » 08 Avr 2008, 10:53

Oliv a écrit :
Xss a écrit :Pendant un moment je pensais que l'horreur en question que tu racontais allait être semblable à celle d'Oliv (et à la notre) quand il trouva et posta sur le forum ce texte d'héroic fantasy qu'il avait écrit à 16 ans...

Médisance! Je n'avais pas 16 ans quand j'ai écrit cette horreur, mais 13. Mais dans tous les cas, c'est vrai que c'était particulièrement monstrueux - comme une histoire d'Elfes écrite par un gamin de 13 ans, quoi.


Je la veux... je peux l'avoir ? :biggrin:
"La chance s'engouffra concrètement dans sa vie et l'enveloppa d'un halo d'optimisme abyssal." JP Bâchet
Ah ! l'optimisme abyssal...

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Messagepar Uylenspiegel » 08 Avr 2008, 11:52

Je ne nierai pas avoir mérité ma part de lazzis et de huées dans cette affaire. Oliv, vous résumâtes à peu près avec justesse. (Et ça commence à devenir fait coutumier : serais-je trop verbeux ? Je n'ose y croire.)

Mais de tout mon coeur de coupable pécheur, je dis merci aux âmes charitables qui ont trop de compassion pour me railler ainsi qu'elles eussent légitimement pu le faire.

Luxy a écrit :En tous cas, tu nous as raconté cette horrible chose de bien belle façon.

Dank je ! C'est tout ce que j'espérais :P
(Pardon quand même pour la petite envolée pipi-caca dont je suis un peu honteux tout en continuant à la trouver drôle... Disons que c'est mon côté Brueghelien, voilà ça c'est de la bonne excuse.)
Dernière édition par Uylenspiegel le 08 Avr 2008, 12:44, édité 1 fois.
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Messagepar Luxy » 08 Avr 2008, 12:03

:lol:

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Messagepar Uylenspiegel » 08 Avr 2008, 12:11

le_navire a écrit :Mes chéris, depuis le temps qu'on vous explique que l'ordi n'est pas un support fiable, qu'il faut sauvegarder sur disques (et le refaire au moins deux fois par an - les données s'effacent avec le temps) qu'avoir un disque externe est indispensable également (c'est vraiment pas hors de prix maintenant) et que pour vos textes, une fois terminés, il est aussi malin de faire un tirage papier...


Evidemment le jour où je me lancerai dans quelque chose d'un peu conséquent, je suivrai ces conseils avisés.
Je me suis laissé dire aussi que même les CD-R n'étaient plus fiables au bout d'un certain temps : tu sais confirmer ?
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Messagepar Florent_M » 08 Avr 2008, 12:13

Uylenspiegel a écrit :
le_navire a écrit :Mes chéris, depuis le temps qu'on vous explique que l'ordi n'est pas un support fiable, qu'il faut sauvegarder sur disques (et le refaire au moins deux fois par an - les données s'effacent avec le temps) qu'avoir un disque externe est indispensable également (c'est vraiment pas hors de prix maintenant) et que pour vos textes, une fois terminés, il est aussi malin de faire un tirage papier...


Evidemment le jour où je me lancerai dans quelque chose d'un peu conséquent, je suivrai ces conseils avisés.
Je me suis laissé dire aussi que même les CD-R n'étaient plus fiables au bout d'un certain temps : tu sais confirmer ?


Un CD-R a une durée de vie en moyenne d'une vingtaine d'année en fait mais cela dépend beaucoup de la marque et du prix.
Si tu étais une larme,
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Messagepar Uylenspiegel » 08 Avr 2008, 12:49

Ok, merci. C'est mieux que ce que j'avais entendu (une durée de vie de 10 ans à tout péter, voire 5 ans ! Légende urbaine quand tu nous tiens).
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pingu
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Messagepar pingu » 08 Avr 2008, 13:22

Uylenspiegel a écrit :Ok

:shock:
tu sais parler comme ça aussi ?
ça m'a fait drôle... :-?

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Messagepar Uylenspiegel » 08 Avr 2008, 14:00

pingu a écrit :
Uylenspiegel a écrit :Ok

:shock:
tu sais parler comme ça aussi ?
ça m'a fait drôle... :-?


:P J'en ai peut-être légèrement trop fait dans le style pompeux/pédant... Faut dire que de mon côté, c'est le trip du moment entre la lecture de "La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs" de Charles De Coster, 1867 dont ma signature est un échantillon du style, et le visionnage de la série les Tudors où est employé un "pseudo vieux français mais pas trop pour que ça reste compréhensible au spectateur lambda"...

M'enfin c'est rien à côté de la fois, il y a quelques années où j'avais regardé pour la première fois "Les Tontons Flingueurs". Pendant trois jours mes potes de fac ont subi mon imitation (pas si mauvaise) de l'accent parisien style Jean Gabin, et je peux certifier que tous les mots d'argots que je connaissais y sont passés. (Y en a eu un petit aperçu ici même, mais bon j'ai beaucoup perdu, à l'époque c'était tout frais)

Hé ben figure-toi que ça a fini par agacer (!), ce qui m'a un peu étonné car moi je prenais le plus grand plaisir à me faire appeler "Dédé la combine" et interpeller mes collègues Raoul, Riton, ou "mon p'tit monsieur". Ceci tandis que j'étais adossé négligemment au mur du couloir d'entrée et que je m'amusais à faire sauter une pièce en l'air. "Hé dis-donc le zigue, faudrait voir à m'causer correct si tu veux pas que j't'avoine à la mandale, foi de Dédé."
(Je précise pour ne pas passer pour un cinglé que je n'étais pas complètement seul dans ce délire et que j'avais un complice aussi enthousiaste que moi)
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Messagepar le_navire » 08 Avr 2008, 14:03

20 ans mes genoux !!
Pour éviter toute perte de donnée, refaite vos CD tous les 5 ans, en particulier si vous avez des images (photos) qui s'abiment plus vite... C'est du vécu (par des potes).

Ah et :

Image

:heart: :heart: :heart:

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Messagepar pingu » 08 Avr 2008, 14:10

(ouf que ça t'a passé ; je préfère le verbiage actuel). Tant que ce n'est que de l'imitation :angel7: :biggrin: :angel7: et pas la répétition à outrance des "répliques-cultes" :evil: :tard: :evil:

Ahhhh ! Chichile ! :heart:
Dernière édition par pingu le 08 Avr 2008, 14:15, édité 1 fois.

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Messagepar enger » 08 Avr 2008, 14:12

Faudrait voir la réponse de Talon.
De la folie jaillit la lumière et le rêve.

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Messagepar pingu » 08 Avr 2008, 14:20

Car en somme, que représente-telle au juste, l'arrivée matinale et discrète, hop, de ce simple bout de papier? Sachons reconstituer tous les détails émouvants du petit miracle, chers amis, et réagissons contre le cynisme indifférent d'une époque impitoyable...
Fixons nos pensées sur le petit village isolé, tout là-bas au bout, à l'ombre d'une plaine sans fin perdue dans les alpages, loin du bruit, où, le soir, on n'entend que le doux ressac de la grève... Mais qu'ouïs-je? Voici, dans cette pauvre chaumière au toit de tuiles rouges, qu'une plume grince sur le papier! C'est celui de cette humble missive!
Oui! Ses devoirs finis, les vaches rentrées à l'écurie et le foin au cellier, une âme enfin peut émerger. Elle fouille l'horizon pour y chercher l'appui d'un écho ami, mais sa main ne trouve que le vide et s'écroule en sanglots. Alors, sur la grosse table de bois mal équarri, entre l'écuelle qui fume et le bon gros chien de berger qui dort, boum! Son regard titubant rencontre soudain la lueur de l'oasis qui sauve: un numéro de l'hebdomadaire "Polite", cadeau de la dernière visite de charité de monsieur le curé...
Son doigt livide et solitaire ânonne sceptiquement quelques lignes... et soudain, badaboum! Le petit coeur glacé de l'abandonné laisse fuser un grand cri: ce texte, ces dessins, ce message violemment amicaux, sont pour lui comme la caresse éclatante d'un chant céleste! Le confident, l'ami, le frère qu'il appelait silencieusement à grands cris, le voilà! Secouant sa torpeur et ses boucles brunes, l'enfant serre contre sa poitrine crispéela page salvatrice! Enfin, rugit-il, je suis compris! Et dans la blondeur poétique de son oeil embué, passe enfin le soupir de la délivrance! Il réchauffe ses poumons émaciés à la lueur des rotatives qui vont désormais l'abreuver du bon pain de l'amitié!
Alors, soulevé par le coup de massue de cette révélation, l'orphelin, trempant dans le vieil encrier familial débordant de larmes une plume émoussée mais vibrante, trace sur une page de ce cahier quelques mots: "Cher Monsieur Talon"... L'engrenage est en marche! Sous l'orage nocturne qui fait se coucher les blés endoloris des pâtures, bravant le verglas qui tombe à violent flocons, une petite silhouette héroïque s'avance vers la borne postale qui se dresse à l'entrée du village, près d'un calvaire en granit du pays, et sa main gantée de trous jette tous ses espoirs et sa lettre dans la fente réglementaire et admirablement prévue à cet effet. Demain à l'aube, le hardi facteur rural affrontera d'une canne martiale la poussière et l'insolation pour acheminer l'humble missive jusqu'à la vallée émaillée de pâquerettes où l'attend l'antique autobus campagnard qui cahotera vers la ville illuminée de néons. Là, notre belle administration française va lancer ses machines les plus modernes et tout l'apostolat de ses innombrables employés dans la bagarre. Oui! La petite lettre paysanne sera triée, avec les mêmes égards respectueux et diligents qu'on accorderait aux voeux de bonne année du Vatican lui-même! Tamponnée, emballée, dirigée et finalement remise à notre réceptionniste contre payement de la surtaxe normale vu qu'elle n'est pas suffisamment affranchie, la lettre, exsangue et chiffonnée, hors d'haleine mais triomphante, aboutit enfin entre les mains de celui qui suscita toute l'extraordinaire odyssée d'émotion vraie que je viens de vous narrer: MOI!


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