...d'une demi-journée.
Bon, comme dirait l'autre, c'est pas si pire mais je trouve la section propice à ce récit.
Donc voilà, tout commence en cette morne matinée de novembre 2006. Revenu des cours, je m'acharnai sur les pauvres cordons bleus sans défense qui grillaient dans la poèle. Comme j'habite un duplex de 20 m2, je décide de monter cette abominable escalier en colimaçon au pas de course pour monter le son de la radio, hisoire de pouvoir écouter l'émission des "Grandes Gueules" sur RMC (on est polémiqueur ou on ne l'est pas...) sans que le compartiment cuisine explose littéralement. Donc, disais-je, je monte cet escalier en métal, sans antidérapant, aux marches serrées comme des harengs-saurs. Et là, arrivée à la dernière marche, CRRAAAC mon pied se raccroche je ne sais où et emporté par mon élan, mon genou gauche se tord... de droite à gauche. Ma rotule fait un petit voyage aux States, avant de revenir dans le premier avion dans sa situation initiale, reCRAAC et je bascule. La douleur m'arrache un hurlement, je sombre dans l'inconscience un court instant avant d'extraire difficilement ma jambe de l'intervalle où elle s'était logée. Je me hisse à la force des bras sur mon canapé "clic-clac", je chope le portable, et j'appelle mon père pour qu'il vienne me chercher (j'ai pas encore le réflexe ambulance...). Donc là, je passe une agréable demi-heure de souffrance à attendre, mon père passe me chercher et m'aite à redescendre ce fichu escalier, je traverse la patio à cloche-pied et hop, en route pour la clinique ortho-pédique (on aurait du aller aux urgences, mais on avait peur qu'il y ait trop de monde et on est passé directement, sans soin, à l'examen proprement dit. Sauf qu'il y avait beaucoup d'attente, et que c'était tout compte fait un mauvais, mais alors mauvais calcul. Donc je souffre pendant quelques heures supplémentaires en lisant dans le figaro-magazine les témoignages des mères israéliennes vivant dans la peur, et comme, bien entendu, il faut traverser toute la clinique à pied, ainsi que les étages, pour arriver au service IRM. Comme j'avançais au rythme d'une tortue et que j'avais mal dès que mon pied posait par terre, un médecin m'a gentiment proposé un fauteuil roulant. Ainsi, je passais les trois longues heures d'exam dans des corridors, réduit à l'état d'handicapé-moteur...
Voilà qui m'a permis une expérience intéressante de me mettre à la place d'un véritable handicapé. Cala a été, ma foi, très intéressant. Voilà les perception que j'avais du monde :
1) Premièrement, ce qui est frustrant, c'est de se sentir absolument dépendant, infantilisé. Surtout quand l'infirmière pousse le fauteuil, et nous guide vraiment contre notre volonté sans qu'on puisse y changer quelque chose : première source de frustration.
2) Ensuite, c'est la question de la taille qui est importante. On est tout le temps assis, et de ce fait, on regarde les gens du bas (c'est particulièrement vrai pour les mecs) et on a la perpétuelle impression d'être dominé, à la merci de n'importe qui.
3) Le regard des autres (qui croient quelquefois, sans doute, que je suis durablement handicapé). On en a toute une palette, des condescendants aux regards soigneusement esquivés. Ce sentiment d'être à plaindre, plus encore que d'être différent. J'inspire la pitié et l'incompréhension. Des trucs comme ça qui donnent envie de dire "va te faire foutre".
4) Enfin, c'est aussi très utile pour séparer les gens ouverts aux gens qui n'ont pas envie de se frotter aux différences. Beaucoup d'esquives, ici encore, et des feintes. Mais de rares personnes ont osé me regarder dans les yeux et me considérer d'égal à égal dans une conversation (ça, ça se ressent).
Je crois que je viens de dire l'essentiel. En tout cas, mon genou va mieux, à présent (simple luxure de la rotule avec distorsion du ligament) et j'ai le sentiment d'avoir vécu quelque chose de nouveau aujourd'hui.
C'était Jerome Royer, pour France-Inter.
Moi, Jerome, handicapé-moteur...
Je comprends ce que tu veux dire. J'avais une collègue dont les deux jambes étaient paralysées suite à un accident de voiture. Elle m'en a parlé. Tu retranscris exactement ses impressions.
D'ailleurs, concernant le problème de taille, j'ignore si tout le monde le sait, mais il y a une charte disponible dans toutes les préfectures du territoire nationale (normalement!) et qui expliquent le comportement à avoir pour respecter un handicapé. C'est peut-être idiot quand on y pense, mais malheureusement, on se rend compte rapidement que tout le monde ne songe pas à se mettre à hauteur du visage de l'autre pour discuter...
Quoi qu'il en soit, pour ta rotule, je compatis sincèrement. Moi qui suis douillette, en lisant tes lignes cela m'a fait froid dans le dos. Bon rétablissement !
D'ailleurs, concernant le problème de taille, j'ignore si tout le monde le sait, mais il y a une charte disponible dans toutes les préfectures du territoire nationale (normalement!) et qui expliquent le comportement à avoir pour respecter un handicapé. C'est peut-être idiot quand on y pense, mais malheureusement, on se rend compte rapidement que tout le monde ne songe pas à se mettre à hauteur du visage de l'autre pour discuter...
Quoi qu'il en soit, pour ta rotule, je compatis sincèrement. Moi qui suis douillette, en lisant tes lignes cela m'a fait froid dans le dos. Bon rétablissement !

- Misato
- ordre du printemps
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Re: Moi, Jerome, handicapé-moteur...
Aïe, rien qu'à te lire, j'ai mal... >_<
Je me souviens d'avoir croisé il y a plusieurs années un type en fauteuil dans la rue, qui m'avait lancé en souriant "je suis un prince!" Et c'est vrai qu'il avait l'air d'un prince... (Beau, sexy, charismatique, tout-ça tout-ça...)
*Soupir nostalgique*
Jerome a écrit : J'inspire la pitié et l'incompréhension. Des trucs comme ça qui donnent envie de dire "va te faire foutre".
Je me souviens d'avoir croisé il y a plusieurs années un type en fauteuil dans la rue, qui m'avait lancé en souriant "je suis un prince!" Et c'est vrai qu'il avait l'air d'un prince... (Beau, sexy, charismatique, tout-ça tout-ça...)
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Misato
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Fallait lui donner ton numéro ^^.
Plus sérieusement, l'ennui c'est que quand on voit une personne handicapée, on ne sait pas trop comment commencer la conversation... Comment faire pour ne pas faire de gaffe ? Celà peut inhiber le contact.
C'est bête, je sais, mais quand on d'un naturel timide, le fauteuil ou la canne blanche n'aident pas...
Plus sérieusement, l'ennui c'est que quand on voit une personne handicapée, on ne sait pas trop comment commencer la conversation... Comment faire pour ne pas faire de gaffe ? Celà peut inhiber le contact.
C'est bête, je sais, mais quand on d'un naturel timide, le fauteuil ou la canne blanche n'aident pas...
- Misato
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Elsie a écrit :Fallait lui donner ton numéro ^^.
J'étais trop jeune pour oser! #^_^#
Elsie a écrit :C'est bête, je sais, mais quand on d'un naturel timide, le fauteuil ou la canne blanche n'aident pas...
Surtout quand votre maman vous a éduquée en disant "ne regarde pas les gens en fauteuil, tu vas les vexer"...
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