Page 1 sur 1

Avertissement : Texte pouvant heurter. Femme battue "cr

Publié : 27 Avr 2008, 11:32
par eriani Llopa
Il semblerait qu'un sur deux de mes mp se perdent :wink: .
Enfin, puisque la divinité de ce forum ne m'a pas répondu, je poste mon message :

Mansuetu, nous a offert, sur le forum, un poème qui traitait de ce sujet délicat.
Je lui ai répondu qu'il oubliait un paramètre : les enfants de ces femmes battues.

Je n'ai pas osé envoyer directement ce texte sur le forum...
Je vous le propose donc sous couvert "d'avis de tempête".

Il est assez agressif, je crois.
Je n'écris jamais de cette façon là. Mais, pour une fois, j'ai rédigé l'ensemble d'une traite. En me relisant :shock:, je n'ai pas compris d'où venait cette violence...

Voilà voilà :

Crime


Il a le nez rouge, cet homme. Il a toujours le nez rouge. Avec ses yeux méchants, ses mains épaisses comme les battoirs du boucher, il me fait peur.

La nuit dernière, il est rentré tard en faisant plein de bruit. Maman, elle est rentrée encore plus tard. Elle travaillait, elle lui a dit. Et lui, il a crié comme le cochon que la grand-tante Louise égorge pour Noël, quand on va à la ferme. Même qu’elle a aussi des chèvres et des poules, la grand-tante Louise. Mais lui, il a imité le cochon.

Longtemps. En premier, il a grogné en faisant des bruits courts et aigus. Et puis après, il a crié fort et puis il l’a frappée plus fort encore.

J’ai d’abord entendu la gifle. La première, elle fait toujours beaucoup de bruit parce qu’il garde la main ouverte, à plat, pour qu’elle claque bien.

T’es une pute ! Rien qu’une salle pute !, qu’il lui a dit pour accompagner la baffe. Elle a pas répondu. Elle répond jamais. C’est mieux, elle m’a dit une fois : tu sais, faut pas énerver les hommes, faut rien dire. Quand ils s’excitent, ils finissent par se calmer tout seuls si tu dis rien, si tu fais rien. Alors, elle, c’est comme ça qu’elle fait : elle attend que ça passe.

Moi, j’arrivais pas à dormir et puis il criait de plus en plus fort en lui donnant des coups, alors j’ai allumé la lumière pour me rassurer. La porte s’est ouverte. Il avait le nez violet, les yeux noirs, la bouche tordue. De la main droite, il tenait maman par le bras. Elle portait qu’un t-shirt. Ses gros doigts en boudin gras faisaient des marques sur la peau de maman. Il a beuglé : tu vois ta mère ? Ben, c’est une catin ! Une catin, ouais ! Une grosse chienne qui s’fait ramoner par tous les bouts !

Maman, elle pleurait en silence. D’un revers de la main, elle a essuyé le sang qui coulait de son nez. Trois fois. Trois fois, il lui a cassé. Alors, maintenant, son nez, il est tout de travers parce qu’elle aurait dû aller à l’hôpital, mais il a pas voulu. Ça va se soigner tout seul, il disait à chaque fois ; mais y s’est jamais bien remis ; et maman, elle est devenue beaucoup moins jolie. Et puis après, elle a eu moins de travail et ça l’énervait, mais il cognait pas trop pour ça. Il trouvait d’autres raisons.

Quand il puait, comme hier… Ben, il devenait plus violent et il lui disait : t’es qu’une salope. Une salope qu’on fourre. Traînée ! Catin ! Et il la frappait beaucoup. Il lui faisait mal et, des fois, elle dormait longtemps après.

Là, il a tiré maman. Elle est tombée devant moi. Te r’lèves pas, surtout. C’est ça. A genoux. Comme pour lui. L’autre : le Beau, le Doux, le Gentil, t’as pris du plaisir quand tu l’as sucé ? Hein ? Sa queue est différente ? Elle a un goût de miel, p’tê’te bien ? Putain ! T’es muette ? Tu peux pas répondre quand j’te pose une question ? Ah, non ! J’ai compris, tu veux pas que je sente l’odeur de son sperme dans ta bouche, mais il coule ! J’le vois. Conasse ! Il a attrapé maman par ses longs cheveux. Elle a gémi un peu. Et puis il l’a frappée dans les épaules et dans le ventre… Beaucoup de fois, en disant plein de vilains mots. Maman couinait comme la souris. Sa patte prise dans la tapette, elle a traîné le piège. Elle s’est planquée dans un coin, nous a expliqué la grand-tante Louise. Elle hurlait, la souris. Elle a hurlé de nombreux jours avant de mourir. Il y a eu beaucoup de sang. Des larmes de sang dans les yeux de maman. Et puis après, je me souviens plus.

Publié : 28 Avr 2008, 23:13
par enger
Evidemment ce n'est pas exactement dans le même style que Mansuetu.

Le sujet ainsi présenté ne prête pas à sourire.

Mais le contexte de Mansuetu est différent et je lui trouve du charme.

La violence conjugale avec les enfants en témoins est une chose terrible. Je pense d'ailleurs que même sans les enfants en témoins c'est terrible.

Eriani sait raconter les choses crument.

Publié : 29 Avr 2008, 10:16
par Lyssandre
C'est violent... Et ça fait du bien de se confronter à ce genre d'écriture de temps en temps. J'aime beaucoup le style, on est dans la peau de l'enfant... J'ai surtout aimé :

Et lui, il a crié comme le cochon que la grand-tante Louise égorge pour Noël, quand on va à la ferme. Même qu’elle a aussi des chèvres et des poules, la grand-tante Louise. Mais lui, il a imité le cochon.


Seul un enfant dirait les choses comme ça.

Bref, il est très émouvant ce texte. Il m'a un chouilla retourné les boyaux, quand même...

Publié : 29 Avr 2008, 10:22
par le_navire
c'est bien sûr terrible, mais du point de vue narratif et de l'écriture, c'est excellent... :-?

Publié : 29 Avr 2008, 12:48
par eriani Llopa
Merci beaucoup, tout le monde.

Mais même si vous semblez avoir apprécié, je ne pourrai pas recommencer (tous les quatre matins) : j'ignore absolument ce qui m'a pris. J'avais la sensation que ce n'était pas moi qui écrivait.

J'étais assise sur un banc au soleil. Je pensais au texte de Mansuetu, à ma mère, et c'est venu tout seul, d'un jet...

Je suis dépitée. Ca me parait meilleur que tout ce que j'ai écrit jusqu'à présent et j' en ignore la recette :|

Publié : 29 Avr 2008, 12:51
par eriani Llopa
Lyssandre a écrit :Seul un enfant dirait les choses comme ça.


Je ne crois pas qu'un enfant parlerait de cette façon.
Mais c'est bien la manière littéraire que l'on reconnait comme la transcription de la façon de s'exprimer d'un enfant... :roll:

Publié : 29 Avr 2008, 13:17
par pingu
eriani Llopa a écrit :
Lyssandre a écrit :Seul un enfant dirait les choses comme ça.


Je ne crois pas qu'un enfant parlerait de cette façon.
Mais c'est bien la manière littéraire que l'on reconnait comme la transcription de la façon de s'exprimer d'un enfant... :roll:

++

Publié : 29 Avr 2008, 13:19
par Syven
pingu a écrit :
eriani Llopa a écrit :
Lyssandre a écrit :Seul un enfant dirait les choses comme ça.


Je ne crois pas qu'un enfant parlerait de cette façon.
Mais c'est bien la manière littéraire que l'on reconnait comme la transcription de la façon de s'exprimer d'un enfant... :roll:

++

C'est quand même super bien écrit. Brrr.

Publié : 29 Avr 2008, 17:07
par Lyssandre
eriani Llopa a écrit :
Lyssandre a écrit :Seul un enfant dirait les choses comme ça.


Je ne crois pas qu'un enfant parlerait de cette façon.
Mais c'est bien la manière littéraire que l'on reconnait comme la transcription de la façon de s'exprimer d'un enfant... :roll:


Je me suis mal exprimée... C'est plutôt que seul un enfant verrait les choses comme ça. Joli tour de force que de réussir à adopter son point de vue ![/i]

Publié : 02 Mai 2008, 19:10
par Mansuetu
Franchement c'est un SUPER texte.
Difficile de faire plus émouvant, plus vrai et en même temps très "poétique" car c'est vu par l'enfant et sublimé par l'écrivain.

Avec ce texte, tu gagnes tous les concours, Eriani !

Comme quoi, il faudrait que tu te lâche un peu plus. Tu écris déjà tellement bien, il faudrait peut-être arrêter de "policer et polir" tes textes. Ce genre de "premier jet" prouve que tu n'en as pas forcément besoin.

Et tu peux reproduire l'expérience chaque fois que tu retrouveras cet "état second" où l'on écrit "sous la dictée" de quelque chose de plus fort que nous....

Encore bravo.

Publié : 06 Mai 2008, 09:13
par eriani Llopa
Et tu peux reproduire l'expérience chaque fois que tu retrouveras cet "état second" où l'on écrit "sous la dictée" de quelque chose de plus fort que nous....


Je vais m'y appliquer, Mansuetu.

Le souci de ces "dictées", c'est qu'elles ne viennent pas sur commande :-? et que si j'attendais d'être inspirée de cette manière, je n'écrirais peut-être pas plus de deux fois par an.

J'ai tout laché ces derniers temps ; à croire que "Crime" m'a vidée (ces inspirations seraient dangereuses en plus !).

Je passe mon temps à lire, comme si j'avais besoin de me remplir (une vraie boulimie de printemps). Quelle cata !
Et je ne suis plus contente de rien de ce que je fais.

"Que quelqu'un m'assomme...

_Ouch !

_Eh ! C'était une façon de parler !!!"